Tetro de Francis Ford Coppola

Photo : Tetro de Francis Ford Coppola

Il y a des non-dits qui bousculent, heurtent, blessent et empêchent. Angelo renaît sans passé sous le nom de Tetro comme Tetrocini et ce en noir et blanc... Il avait jadis rêvé d'être écrivain, il pensait en avoir le talent mais d'autres en ont décidé avec des phrases assassines ... autrement. Il a donc arrêté ce choix si particulier de couper le cordon qui l'unissait à sa douleur ... sa famille.

Échoué à Buenos Aires, il vit avec sa propre psychiatre qui a commis l'irréparable en l'aimant. Rencontré à l'asile psychiatrique, ils se sont aimées, elle a quitté sa place, ils ont vécus ensemble et ne se sont plus quittés. Elle ignore d'où il vient, qui il est, elle l'aime et croit en lui. Il ne lui dira rien de ce passé douloureux qui le ronge mais qu'il occulte.

Photo du film tetro de francis-ford-copolla

Un soir, son jeune frère frappe à la porte, il lui reproche de s'être enfuit sans dire mot, sans ne jamais revenir le chercher, ce qu'il avait pourtant promis. Il arrive gorgé d'espoirs, de désirs et de partages sans comprendre ce qui pour lui ne peut être compréhensible. Il souffre lui aussi, mais d'une autre manière.

Ce jeune marin n'est autre que Francis Ford Coppola évoquant par ces images déroutantes la pénible douleur de son frère soudainement disparu lorsqu'il avait 14 ans. Heureux de lui remémorer à quel point il a été son modèle, son unique voie au travers de ses souvenirs.

Photo film Tetro Francis Ford Coppola

Leur impitoyable père à l'ambition et à l'orgueil dévastateur est également ce Tetrocini osant humilier son propre fils avec des phrases assassines : « il n'y a de place que pour un seul génie dans cette famille » ou encore heurtant son propre frère en lui suggérant de changer de nom afin qu'il ne rentre pas en concurrence avec sa toute puissance.

Le désir d'être sans personne, la peur d'être détrôné, la rivalité et le combat d'une vie pour exister, les Totems et les Tabous aurait pu chroniquer Freud, voici les thèmes qu'abordent avec souffrance Francis Ford Coppola dans ce magnifique film de 2h07 minutes humecté de passion et de douleur sollicité par un Tétro castré, aussi bien dans le créatif que dans l'affectif.

Tétro se déroule en Argentine où le noir et blanc se mêlent à la musique colorée, clin d'oeil à Pablo Almodovar ou à Jorge Luis Borges, les couleurs sombres, poétiques et chaleureuses sont données. Le désir ambitieux d'être en pleine lumière tue, c'est probablement la raison pour laquelle l'auteur a préféré le noir et blanc. Belle métaphore lorsque c'est l'éblouissement qui tue sa mère, l'éblouissement qui tue son couple, l'éblouissement qui tente de tuer son fils. Les papillons ne sont pas les seuls à être attirés par la lumière. Son père l'a été tout autant au péril de toute sa famille.

Le temps symbolique et essentiel en psychanalyse s'écoulent précisément. Chaque minute est importante.

Tétro interprété par un Vincent Gallo naturel, sans fioriture, presque parfait dans ce rôle, se joue de la torture d'un homme et de son carcan. Le refoulement d'un homme qui écrit à l'envers de son soi, le miroir de lui-même, sa partie cachée et codée et de son frère criant une vérité qui lui est propre et qui oblige "la fuite" à se traduire en vérité nouvelle. En vérité tout court. En vérité non plus à l'envers mais bel et bien à l'endroit.

L'errance est donc traitée ici sous un angle de possibilités de remises en question, de tout dire en un jour, de se reconstruire sans fuir. L'inavouable l'est toujours, il fait tellement du bien ; l'auteur le souligne avec intelligence.

Gorgé de pudeur, le théâtre, la scène, la danse, la musique, l'écriture et ses multiples références culturelles ou personnelles se mêlent avec brio sans jamais étouffer le spectateur mais en suffoquant toujours de cette rivalité.

Le film se conclut en une seule phrase qui raisonne comme la vérité autobiographique de l'auteur : "Le succès n'est rien", il reste pourtant primé par la glaciale Alone (traduisez : seule) par un prix qui l'est tout autant : « le prix des parricides ».

On ne tue pas sa famille, on l'enterre tout au plus, la refoule, la dénie, mais même si son absence pèse, sa présence est plus forte que tout. La vérité est source de repos. Se permettre de l'affronter est en d'autres termes s'autoriser à vivre.

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Auteur : Christelle Moreau

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1 avis pour le moment

Justine film terrible qui montre les douleurs du père comme la vie les font parfois, durs et cruels, et dans un égoïsme vraiment puant. Un grand film sur une horreur familiale où planent les ombres ... de ma vie !

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