Grandeur et servitude du journalisme avec Olivier Quelier

SR Poser !

Le journalisme vu par le prisme de sa forme, valorisant le contenu comme le savant passeur d'un puissant royaume. Le poids du verbe a encore son mot à dire. Rencontre avec un plumitif passionné de son art.

L'interview que je vous propose aujourd'hui est née d'une rencontre fortuite, au détour d'un lien partagé sur Facebook par un ami traducteur. Il y était question de Desproges, Pierre angulaire de ma culture du rire contre tous. Au fil du temps qui passe tel une caravane cernée par les canins, j'ai découvert un blogueur porté par l'amour du journalisme. Par ces rites et missions aussi, pour un décryptage subtil de nos canards à l'ombre de marronniers centenaires. La lecture de Grandeursrvitude, un peu mâtinée de Romo Goldeche philosophe, est une belle mise en bouche pour tous les curieux de la presse en quête de réflexions. Loin des sentiers courbatus des journalistes étiquetés et autres titres qui riment avec leurs ombres. Piqué par la curiosité, j'ai donc voulu mieux connaître l'auteur de ce blog lisiblement bien luné.

Qui êtes-vous ? Quel est votre parcours ?

Difficile question pour commencer ! Dans les faits, je suis responsable pédagogique de la filière Journalisme/SR (secrétaire de rédaction) dans un centre de formation parisien, l’emi-cfd. Mais j’ai un parcours double : depuis tout jeune je veux enseigner le français. Voie classique : bac littéraire, fac et Capes à 23 ans. L’été où je réussis le concours, je fais un stage dans le quotidien de ma région. Et le journalisme me séduit parce qu’il m’offre un luxe inouï : écrire, notamment à propos des livres. Je démissionne de l’Education nationale sans avoir jamais enseigné et entre quelques mois plus tard dans ce journal. J’y suis une longue formation interne et mène une carrière d’abord de rédacteur puis de secrétaire de rédaction.

Mais il faut croire que le démon de l’enseignement n’est qu’en sommeil : j’ai envie de former mes jeunes confrères. J’obtiens un congé de formation, reprends mes études et deviens formateur. Peu de temps après, un banquier aussi ambitieux qu’incompétent patron de presse rachète le journal. Clause de cession, me voici enseignant à Paris, en école de comm’ d’abord, puis au département Journalisme, à Paris-Dauphine.

Mais, et c’est là que répondre à la question « qui êtes-vous ? » est difficile, je ne cesse d’osciller entre presse et enseignement. Je pige pour des sites culturels, un journal littéraire, dans un grand groupe de magazines… J’en viens parfois à répondre, pour reprendre le terme de Barthes, que je suis un écrivant, sur tout support, dans tous les formats, avec l’envie jouissive de partager ce goût de l’écriture. En 2014, après quelques années en tant qu’intervenant, je prends la responsabilité de la filière SR à l’emi-cfd.

Comment on tombe dans le journalisme quand on est petit ?

Je ne le sais pas vraiment… Comme je l’ai dit, c’est l’envie d’écrire qui m’a amené, à la vingtaine, au journalisme. Plus jeune, j’étais plongé dans les livres, pas dans l’actualité, pas dans la volonté de découvrir le monde ou de faire connaître telle vérité ou tel mystère au plus grand nombre. C’est venu après, en exerçant en tant que localier, c’est-à-dire en travaillant dans une ville. J’ai compris que la richesse du journalisme tient aux rencontres qu’il offre, dans l’info qu’il nous donne à voir, et ce pas forcément à l’autre bout de la planète. Dans mes cours, je reste très attaché à ce journalisme « du coin de la rue » et au reportage, très écrit, qui raconte vraiment.

C'est quoi GRANDEURSRVITUDE ?

En arrivant à l’emi-cfd, j’ai envie de faire découvrir la fonction de secrétaire de rédaction dont je gère la formation. Entre autres actions, je lance ce blog qui parle du journalisme, de la manière aujourd’hui multimédia dont on traite et édite les sujets. C’est aussi l’occasion d’évoquer la maîtrise de la langue française et son respect. Depuis la rentrée dernière, j’ai légèrement modifié la ligne éditoriale du blog ; tout en continuant de présenter les divers métiers du journalisme, dont le SR, j’évoque les liens que je trouve passionnants et enrichissants entre littérature et journalisme. Cela me permet de concilier mes connaissances professionnelles et ma passion pour la lecture et la littérature.

Photo d'une ancienne machine à écrire pour les journalistes d'autrefois Comment définir le job de SR pour nos amis internautes qui ne savent pas ce que c'est ?

Le secrétaire de rédaction vit un drame : la présence du terme « secrétaire » dans l’intitulé de sa fonction qui l’amène à être considéré (depuis fort longtemps, et ça continue) comme un adjoint du rédacteur, dont il récupère l’article pour tenter de le corriger — tâche ingrate que le rédacteur trop occupé ne peut s’abaisser à accomplir. Je caricature, mais dans l’imagerie, on en est là.

Dans la réalité, le secrétaire de rédaction est un journaliste à part entière qui se doit de parfaitement connaître l’actualité et de maîtriser l’information et son traitement. Pour simplifier, disons que le rédacteur est dans la production, le SR dans l’édition. Il va mettre en forme puis éditer (sur le papier ou sur internet) le sujet du rédacteur. « Mettre en forme » signifie à la fois corriger l’article (orthographe, typographie, mais aussi erreurs sur le fond), remanier la titraille (le titre, bien sûr, mais aussi tout l’habillage sur lequel le lecteur se penche en premier avant d’aborder le corps du texte). Le SR bimédia est aussi chargé d’enrichir l’article en y ajoutant des liens hypertextes, des vidéos, des infographies, etc.

La fonction évolue très vite ; elle est très variable d’un média à un autre. Dans les rédactions très polyvalentes, on considère désormais que l’article n’est pas le fait d’un seul, mais de toute une équipe qui inclut le SR, le photographe, l’infographiste, voire le community manager. Et le bon secrétaire de rédaction est à même de réaliser du datajournalisme et de partager le sujet sur les réseaux sociaux. C’est cette variété de rôles à assumer qui fait la richesse de cette fonction dont je ne crains pas, à la différence de mauvais augures, qu’elle disparaisse si rapidement qu’annoncé.

Un sentiment à partager à propos de la dernière réforme de l'orthographe ?

Aïe, le sujet qui fâche ! Sentiment de gâchis et de lassitude puisque ces recommandations créent des dissensions parmi ceux qui ont le même souci de la langue, mais pas la même vision de sa défense. Pour ma part, je ne la sortirai pas de la corbeille où elle semble avoir déjà terminé. Hélas, elle risque de compliquer la tâche des secrétaires de rédaction et des correcteurs qui devront avant tout se référer à la charte rédactionnelle et à la « marche » maison de leur média.

Est-ce que l'indulgence est de rigueur concernant l'orthographe dans l'écriture web, sur les blogs par exemple ?

Elle ne devrait pas l’être. Pas par purisme ou par posture, ce serait insupportable. Mais parce qu’elle ne rend pas service à l’auteur du blog. Comment accorder sa confiance, en tant que lecteur, à un blogueur qui ne maîtrise pas la ponctuation, laisse dans ses textes des fautes d’orthographe ou malmène la conjugaison ? Au même titre qu’un grand média, désormais moqué sur les réseaux sociaux, il perd en crédibilité, ne peut gagner sa légitimité, si intéressant, spécialisé ou original soit-il. « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface », disait Victor Hugo. Je reste persuadé que l’un des critères pour exister sur le Web passe par une écriture propre et maîtrisée.

L'écriture sur les écrans mobiles fait évoluer le métier de journaliste, selon vous ?

Bien sûr, et c’est une très bonne nouvelle ! Les fondamentaux du métier restent les mêmes, chercher l’info, la vérifier, la hiérarchiser, etc. L’évolution réside dans l’écriture : l’enjeu est d’écrire long sur un support dont la largeur correspond à une colonne de journal. Comment faire pour ne pas perdre le lecteur qui – élément essentiel – est aujourd’hui lui aussi mobile. Le journaliste doit penser son texte par séquences, en revenir au feuilletonnage ; d’où le rôle essentiel du secrétaire de rédaction qui doit rythmer l’article par des éléments visuels, de la titraille, du multimédia. C’est un beau travail journalistique, et les lecteurs sont de plus en plus intéressés par ces formats.

Photo de la rédaction du New York Times L'importance des titres est exacerbée sur les réseaux sociaux, et certains médias commencent à jouer avec la titraille pour inciter au clic... un fléau en vue ?

Le phénomène n’est pas nouveau : combien a-t-on lu de titres accrocheurs dans les flux d’actualités de certains sites, qui ouvraient sur une misérable brève ou un article sans intérêt. Vous avez raison, cette pratique est exacerbée par les réseaux sociaux. Mais je pense qu’on échappera au fléau grâce à un élément si basique qu’on l’oublie parfois au sein des rédactions : le lecteur, même sur Internet, n’est pas un imbécile ! Une titraille aguicheuse survendant un article creux le piégera une fois, deux peut-être. Il n’y aura pas de troisième fois, car il se sera trouvé un site plus sérieux qui, au-delà du titre marrant, proposera derrière un article intéressant, avec du fond.

Entre lire et écrire, quel serait votre choix ?

Ce serait comme choisir entre boire et manger… Je ne passe pas un jour sans écrire une ligne, beaucoup plus de l’écriture professionnelle que fictionnelle, c’est vrai. Mais impossible de ne pas lire, chaque jour, de reprendre un ouvrage déjà lu, de compulser un dictionnaire, un manuel quelconque, de feuilleter une bande dessinée. Les deux se nourrissent, nourrissent mes cours, mes articles, mon travail et mon imagination. Donc faire un choix, vraiment, si tant est qu’il soit possible, serait un crève-cœur.

Merci Olivier ! En cliquant ici et là, attendez vous à apprendre qu'Olivier collabore également au Projet Voltaire, éditeur d'une bien chouette application pour réviser son orthographe en se relaxant. Étonnant, non ?

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Auteur : Simon Tripnaux

Blogueur lifestyle - Content manager & expert SEO. Mon job, rendre visible et lisible vos projets par les mots. Adepte de l'écriture depuis 1978.

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7 avis éclairés

Max 

Comme quoi en réalité on peut très bien réussir dans ce milieu sans avoir fait une école de journalisme ! de quoi réfléchir pour tous ceux qui baissent les bras et ne pensent pas pouvoir y arriver sans copinage ou réseau.

Je ne connais pas Olivier mais son parcours est intéressant et surtout limpide ! La passion pour son métier paye encore et c'est heureux !

Liz 

certes la formation est nécessaire dans tout domaine mais elle n'est pas toujours obligatoire

le don joue un rôle primordial dans la carrière de n'importe qui

un journaliste doué est meilleur qu'un journaliste bien formé

Jimdo 

Bonjour !
Votre blog est très intéressant ; et présente bien tout ce qui est bon Merci !
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Emma 

j'adore ce blog
on y trouve de tout
bravo et bonne continuation

Kate 

la formation pratique vaut mieux que la théorie

Namika 

Waouhhhh !! Vous avez de sacrées idées !!! C'est génial ce que vous faites ; joli partage et interface facile pour naviguer tranquillement !! Bravo !!!
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Foudingue 

cette interwiew est intéressante tant sur le contenu que le contenant, tout un bréviaire pour les plumitifs et plumitifs en herbe. Bref un bon rappel pour ceux qui veulent devenir des écrivains publics, Je suis tout à fait d'accord et certain qu'un site avec un contenu truffé de fautes ne peut pas perdurer. Le journalisme est un métier qui exige d'avoir une tête bien faite.

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