Écoutez les Filles

Photo : Écoutez les Filles

Les expertes prennent la parole, et n'ont pas l'intention de la lâcher. Rencontre avec un projet médiatique féminin ... d'un genre nouveau ?

A la télé, le moustachu ventru, le chauve fripé et le playmobil de service sont des figures connues de l'expertise. Bons clients, trop bons clients, les experts convoqués sur les plateaux sont très souvent des messieurs.

A l'instar des pauvres ou des ouvriers, la pensée intellectuelle féminine semble être un tabou médiatique rampant ...

Partant de ce constat, la camarade Nina Guérineau de Lamérie (dont je vous narrais déjà les aventures naguère lors des présidentielles 2017) a décidé de prendre le contre-pied de cette étrange hégémonie.

Du coup, ses complices et elle invitent uniquement des femmes pour faire frémir nos neurones.

Un rendez-vous mensuel baptisé Écoutez les Filles, tout simplement.

Emission Youtube Écoutez les Filles

Histoire d'en savoir plus sur ce projet où les idées se construisent au féminin, je suis parti en quête d'une interview ...

C'est quoi "Écoutez les Filles" en quelques mots ?

Nina : C'est une émission/débat d’actualité mensuelle où seules les femmes sont invitées. L’objectif ? Pallier au manque de représentation des expertes dans les médias. C’est une émission d’1h30 diffusée en live sur la chaîne youtube et twitch “Accropolis” présentée par trois journalistes : Paloma Moritz, Mukashyaka Nsengimana et moi-même.

Paloma : “Ecoutez les filles” est un espace de parole libre pour les femmes où on pose un autre regard sur notre monde et son actualité.

C'est qui Accropolis ?

Nina : C’est une chaîne Youtube créée par Jean Massiet. Je reprends un morceau de leur présentation :

“Directement inspirée des plateformes de streaming de jeux vidéo, nos émissions s’adressent à un large public de citoyennes et de citoyens qui ont soif de compréhension des enjeux publics et veulent se réapproprier leur démocratie.”

Lorsque j’ai parlé du projet à Jean, il a tout de suite dit “oui !”. Je ne m’y attendais pas car leur équipe est composée à 90% d’hommes et leur public est essentiellement masculin. C’est un vrai challenge !

Comment vous est venue l'idée de lancer cette émission ?

Nina : En tant que journaliste, j’ai toujours été un peu frustrée en constatant la faible représentation des femmes expertes dans les débats télévisuels ou radiophoniques. Ainsi que par le temps de parole accordé aux intervenantes.

Je vois encore - même si des efforts sont faits - de nombreux plateaux débat où seuls des hommes interviennent. J’avais envie d’entendre les femmes !

Je me suis dit : “pourquoi ne pas faire l’inverse dans ce cas là ? Ne mettre que des femmes sur un plateau ?”

Paloma : Dès que Nina m’a parlé de son idée, j’ai tout de suite été partante. Je lui ai dit : “On va surement s’en prendre plein la gueule, mais tant pis, nous avons des tonnes d’arguments et justement ça va nous permettre de mettre en avant des questions qu’on se pose peu”.

Avec ce projet, on peut enfin traiter l’actualité à travers des question de genre et déconstruire nos préjugés sur ce que l’on considère comme évident ou acquis. Offrir une autre perspective.

Muka : Nina m’a parlé du projet et ça a tout de suite germé dans ma tête. Je me suis souvenue des rédactions dans lesquelles je suis passée, majoritairement masculine et de la difficulté de parler féminisme sans passer pour une extrémiste. C’était le bon moment pour devenir actrice du changement !

Le concept est de permettre de confronter des points de vue différents ?

Muka : Le concept ? Donner la parole à des femmes qui ne s’expriment pas d’habitude. C’est presque une mission de service public.

Par exemple, lors de notre première émission consacrée aux violences sexuelles faites aux femmes, Anna, une jeune victime d’agression sexuelle, a pu raconter son histoire.

Régulièrement dans les médias, au commissariat, la parole des femmes est discréditée, voire diminuée.

Paloma : Selon le sociologue Eric Macé, “ne pas montrer le manque de femmes dans les médias, c’est naturaliser leur absence. L’expliquer par la différence de sexe, c’est naturaliser les hiérarchies”.

Donc oui, si on ouvre aux femmes un espace libre d’expression, on découvre un autre regard sur le monde.

Nina : Enfin au delà du débat classique, autrement dit apporter différents points de vue sur un thème global, le concept est toujours de prouver il y a des femmes expertes en tout.

Vous considérez que les femmes ne sont pas assez écoutées ?

Paloma : Dans les médias, les femmes ne représentent que 18 à 22% des experts. Il nous paraît nécessaire de rendre les femmes actrices ainsi que commentatrices de la vie publique, et d’agir pour une meilleure égalité entre les sexes.

“Ecoutez les filles” est pensée comme un espace de parole libre pour les femmes. Notre ambition est aussi de porter un regard différent sur le monde, de tourner en dérision et déconstruire la vision encore trop sexiste de notre société.

Nina : Le chiffre cité par Paloma est révélateur. Seulement ¼ des experts invités par les médias sont des femmes. Et en plateau, les journalistes ou autres intervenants leur coupent souvent et facilement la parole. Puis, le grand public n’associe pas encore la voix d’une femme à celle d’un expert. C’est ce que l’on veut essayer de changer.

Pourquoi opter pour "les filles" et pas "les femmes" ?

Nina : Dans le titre le mot “écoutez” est aussi très important. Au lieu de regarder les femmes, écoutez les.

Même si cela peut paraître un peu paradoxal puisque nous sommes filmées et diffusées en live. Le titre envoie un message.

Nous ne sommes pas seulement des personnes à regarder ou à commenter. Nous avons une voix et une analyse sur les questions politiques, sociétales, économiques, climatiques, juridiques, etc.

Paloma : On voulu jouer sur le double sens d’“écoutez les filles”. Ça peut être dit sur un ton très paternaliste. “Ecoutez les filles” genre “vous êtes mignonnes mes petites, je vais vous apprendre la vie”.

Et à la fois “écoutez les filles !” se dit aussi entre amies. Entre nous, on s’interpelle avec les mots “filles” ou “meufs”.

Ce que l’on fait moins avec les mecs.

Et on ne dit pas “salut les femmes !” par exemple.

Pensez-vous que la lutte pour les droits des femmes passera par les médias ?

Nina : Les droits des femmes doivent progresser dans tous les domaines. Mais en tant que journaliste, on se pose la question.

Pourquoi les hommes sont majoritairement en couverture des magazines ?

Pourquoi, souvent, il n’y a que des hommes pour commenter l’actualité du jour ?

Pourquoi la majorité des chroniqueurs sont des hommes ?

Dans la télé, ou sur le web, juste le fait de mettre plus de femmes à l’écran peut créer une prise de conscience chez les jeunes femmes et les hommes.

Muka : Comme le dit si bien l’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adiche : “Il faut que les petites filles comprennent qu’elles comptent.” Entendre une scientifique, une économiste ou une policière permet aux filles de se dire “moi aussi je peux faire ce métier”.

D’autant que les femmes sont toujours plus réticentes que les hommes à exprimer et à défendre leurs opinions. Cela est en train de changer et nous ne faisons qu’accompagner ce mouvement.

Paloma : D’ailleur aujourd’hui lorsqu’on dénonce le manque de représentation des femmes dans les médias, on nous répond que c’est faux en citant des journalistes connues comme Ruth Elkrief, Claire Chazal, Anne Sophie Lapix…

Qu’il y ait de plus en plus de femmes journalistes à l’antenne, c’est très bien.

Mais elles sont essentiellement là pour donner la parole, pas pour la prendre.

Les femmes aussi racontent le monde et ce n’est pas normal qu’elles soient encore sous représentées sur les plateaux télé en 2017.

Des collectifs comme Prenons la Une pointent du doigt ce problème depuis longtemps.

La presse féminine est-t-elle une presse qui a oublié d'être féministe ?

Muka : Opposer féminin et féminisme n’est pas la solution. On peut être féminine et féministe ou seulement l’un des deux.

Le problème c’est quand ça devient une souffrance, comme avec les les injonctions à la minceur, la grossophobie, le colorisme. L’essentiel c’est de choisir celle qu’on veut être.

Nina : En vrai de nombreuses journalistes se sont emparées des thèmes féministes. Meufs, La Poudre, Les Glorieuses, Cheek Magazine… Causette le fait depuis longtemps.

Mais ces initiatives font face à une presse people “féminine” qui stigmatise largement les femmes. Nous souhaitons sortir des clichés.

LA femme n’existe pas, LES femmes existent. Nous sommes toutes différentes et brillantes.

Nous sommes dans l’optique de montrer la pluralité du genre féminin.

Quels seront les prochains thèmes abordés ?

Nina : Lors de la première émission nous avons abordé les violences sexuelles faites aux femmes et l’évolution de la loi quant à la protection des victimes.

On s’est basé sur l’actualité après l’affaire Weinstein et le #metoo. La prochaine émission traitera du climat. Nous annoncerons l’angle choisit dans une semaine.

Paloma : L’idée à chaque fois sera d’aborder ces thématiques avec des angles différents et en parlant toujours des questions de genre qui les traversent.

Par exemple sur le climat on peut se poser la question : est-ce que les femmes sont plus concernées par le changement climatique que les hommes ?

Comment se fait le choix des sujets ?

Paloma : Pour chaque émission nous réfléchissons à trois sur une thématique qui nous concernent. Nous essayer de changeons nos lunettes et nos perspectives pour aborder le sujet différemment.

Par exemple sur notre dernière émission, diffusée le 14 novembre, nous avons constaté qu’on parlait beaucoup des violences sexuelles dans les médias mais très peu sur les questions juridiques.

On s’est demandé : quelles conséquences pour les agresseurs ? Comment expliquer le gouffre immense entre le nombre de victimes de violences sexuelles et le nombre de condamnations ?

Pourquoi seulement 13% des victimes portent plainte ? Comment faire en sorte que la parole des femmes victimes soit mieux accueillie ?

Muka : C’est toujours l’objet d’un long débat et c’est là l'intérêt car nous venons de milieu sociaux, de formations, de médias différents et c’est très enrichissant !

Nina : Le but est simplement de s’appuyer sur un fait d’actualité. Lors de notre première nous nous sommes inspirées de l’affaire Weinstein, le célèbre producteur de film américain accusé d’agressions sexuelles, du #balancetonporc et #metoo. On a décortiqué, analysé et on en a sorti de nouvelles interrogations.

Un scoop à divulguer sur mon blog ?

Nina : Cette émission existe, c’est déjà un scoop non ? ;)

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Auteur : Simon Tripnaux

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