Lost in translation

Un film dont la réalisatrice s'est refusée à faire traduire le titre ; mais on peut en traduire certaines parties. "Lost", c'est "perdu". Lost In Translation raconte l'histoire de deux individus égarés dans un pays lointain : le Japon.

Le premier est une jeune première : une midinette de vingt-deux printemps qui a terminé ses études de philosophie. Que fait-elle dans la vie? Par désœuvrement, elle suit son mari photographe, jusqu'à Tokyo ... Et là-bas, elle déprime, et elle s'ennuie, isolée dans un appartement comme une cage dorée, avec une vue imprenable sur la ville. L'autre, un quinquagénaire américain star de cinéma débarque au Japon pour tourner un spot publicitaire en faveur d'une marque de whisky. Lui aussi est perdu, mais à rebours. Sa vie est derrière lui. Il a une femme et des enfants et les regarde grandir. Comme une vieille locomotive contrainte de suivre les rails d'un trajet de routine. De petites mésaventures pleines d'ironie en dialogues de sourds, on observe les parcours de vie décousus des deux personnages dans de courtes scènes qui ne s'enchaînent pas forcément comme dans un film. Et puis vient la rencontre. L'unique élément qui donne du liant au récit sera justement l'amitié liant les deux personnages. Ils parlent la même langue, au sens propre comme au figuré. Dans le titre, translation signifie traduction. De traductions d'ailleurs, il y en a peu. Et quand il y en a, ce n'est pas une traduction exacte. On n'est pas dans un film sous-titré, on est dans la vie sans sous-titres. On se met ainsi à la place des protagonistes, qui écoutent les autochtones sans vraiment les comprendre du début à la fin du film. Perdus, donc, dans un pays "qui n'a pas besoin d'eux pour s'amuser". On pourrait d'ailleurs s'attendre à une opposition croustillante entre moeurs américaines et japonaises, Orient et Occident, mais ce n'est pas si simple. Ces individus sont comme n'importe quel étranger perdu dans une grande ville.

Le cinéma affectionne les paumés, parce qu'ils forment des personnages éminemment sympathiques, et des héros auxquels l'on s'identifie facilement. Ping-pong : ce film me renvoie à un autre, asiatique celui-là : Millenium Mambo de Hou Hsiao Hsien, vu à Cannes en 2001, avec le côté sombre en plus et l'humour en moins. Il s'en dégage la même impression de mélancolie, une certaine solitude que rien ne vient combler, sauf une amitié éphémère.

Claustrophobes attention : prenez vos précautions ! Dans un film comme dans l'autre : beaucoup de scènes en intérieur, dans des discothèques, des salles de jeux, des halls d'hôtel, et les extérieurs se font souvent de nuit. On vous aura prévenus.

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