Les dyslexiques du référencement

Un petit moment pour déverser ma consternation numérique ... ça faisait longtemps !

Bon, d'accord : le titre est un peu provoc' ... Comme certains d'entre mes gentils lecteurs le savent, j'ai de temps à autres quelques propos assassins que je balance par ici, sans méchanceté aucune car ils suivent juste le fil de ma pensée. Ce fut le cas il n'y a pas longtemps à propos de Wordpress : le dogme qu'il représente ne semble pas faiblir dans les esprits. Et pour l'instant, je vais m'en prendre aux apprentis SEO de tous poils qui surgissent de nulle part et, trop souvent, d'une furieuse pulsion cupide à peine voilée. Le graal du référencement pour lancer toutes sortes de bonnes affaires sur le web et son mythe promulgué à tour de bras par les mauvais blogueurs vendeurs de vent a fait son œuvre ...

De qui je veux parler exactement, là tout de suite ? Des édifiantes personnes qui prétendent référencer dans les règles de l'art avec une syntaxe qui flirte avec la malcomprenance avancée. Ils ont compris les ficelles et grands principes, certes. Mais les voilà lancés à toute allure vers une course où la recette est appliquée avec la délicate saveur de la restauration rapide. A forte dose, on frôle l'écœurement.

Pour le dire plus abruptement encore : des bidouilleurs qui ne savent pas aligner deux phrases. C'est acceptable sur le skyblog de votre petite cousine, encore que toutes ces images de chatons calins sont assez insupportables, à la longue. Cependant quand il s'agit de représenter une marque, un client, une entité, il est de bon ton de s'exprimer avec un minimum de cohérence. Vous commencez probablement à entrevoir ce dont je parle, ces descriptions hasardeuses dans les pages des annuaires, ces communiqués de presse drolatiques ou ces commentaires édifiants sur nos blogs ...

Ces textes sont parfois surréalistes et leur simple lecture attentive est déconcertante : ils peuvent aller jusqu'à desservir le site cible en baragouinant des inepties sans le moindre sens. J'ai ainsi lu dernièrement la jolie formule Vous serez presque totalement satisfait de nos services !

Là où mon désarroi glisse doucement vers une forme de désaveu plus appuyé, c'est quand les faits s'entêtent à me donner raison. Et que cette forme de linking à l'arrache perdure pourtant. On aura beau leur envoyer des pandas, des pingouins et bientôt des licornes : rien à faire, les apprentis ne se repentent pas ! Dans les blogs, cela peut dégrader grandement le niveau d'une page quand le taux de niaiserie dépasse la quantité de prose de l'auteur. Alors comme de bien entendu je ne voudrais pas passer ici pour le censeur de service qui ne supporte pas que les gens s'expriment avec leurs moyens. Je fais d'ailleurs pas mal de fautes d'orthographes et ne m'en cache pas le moins du monde. Toutefois quand on se dit référenceur je pense qu'on devrait avoir conscience que c'est une discipline dont le verbe est le moteur. Et je ne dis pas ça que pour faire un bon mot.

Parce que franchement, quel plaisir ou quelle fierté personnelle peut on tirer de la pratique qui consiste à balancer intensivement n'importe quoi et tartiner des kilomètres de bouillie dans le seul espoir d'obtenir un maigre lien ? Si la dimension un brin littéraire n'existait pas dans nos métiers, ce serait tout bonnement effroyable. Seuls les logiciels à publier des inepties régneraient en maître sur des pages où même les discussions sur la blogosphère serait anéantie par le découragement de devoir se cogner des robots imbéciles.

Je l'ai déjà balbutié sur ce même blog : le référencement à mes yeux, c'est un peu la revanche des littéraires : une place de choix pour un grand nombre qui ne peuvent pas tous prendre le temps ou la folie de devenir auteur pour de vrai. Aimer écrire relève d'une subtile alchimie dont l'envie d'être lu et compris fait amplement partie.

De là, aligner des mots en poussant l'optimisation jusqu'au ridicule ne rend probablement pas service aux propriétaires des sites auxquels sont associés ces babillages lénifiants. Parfois même, dans l'indicible de la fainéantise, le sacrilège d'un texte bâclé vient s'épancher sur une fiche produit ... J'ai même lu, et nous ne sommes pas seuls, des contenus soigneusement vendus par des prétendus rédacteurs web qui n'ont pas froid aux yeux ; pour ce qui est du reste la molle tiédeur de leurs textes fades et truffés de fautes fait frissonner là, le long de la nuque, comme dans un moment de stupeur au creux d'une nuit d'hiver sans lune.

Toute cette énergie dépensée à générer des contenus approximatifs sans prendre la peine de valoriser réellement l'objet finira par donner de la fibre optique à retordre dans les années à venir. Quand nos gentils petits camarades ingénieurs de chez Google viendront laisser fuir quelques infos croustillantes sur l'intelligence artificielle, le bal des pleureurs viendra encore déverser son flot de victimes éplorées sur les forums.

Peut-être que ce que je raconte là trouvera un écho chez quelques uns, ou le lever de bouclier massif des défenseurs de la liberté de faire ce qu'on veut. Les acteurs du web qui me lisent d'un oeil seront probablement d'accord pour dire que la masse de contenus textuels hébergés sur le web est de plus en plus le fait de référenceurs dopés à la formule content is king qu'ils appliquent par la quantité. Du contenu frais, toujours plus, plus vite. L'indice de confiance des sites qui sauront émettre des contenus vite et bien jouera probablement à l'avenir un rôle primordial dans les algorithmes tant redoutés.


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