Gainsbourg (Vie Heroïque)

Sur l'affiche on peut lire: " Gainsbourg – vie héroïque : un conte de Yoann Sfar ". Héroïque, conte : inutile de chercher ici un portrait sans concessions ou nuancé ...

Le projet de Yoann Sfar n'est pas de nous " raconter " la vie de Gainsbourg avec ses triomphes et ses zones d'ombre, mais de nous faire rêver en magnifiant le destin d'une icône. Gainsbourg - vie héroïque balaye un spectre temporel très large. Nous assistons à tout ce qui a transformé le timide et maladroit Lucien Ginsburg en un nom qui a marqué l'histoire de l'humanité. Le film part de l'enfance et s'arrête à la rencontre avec Bambou, dans les années 80. A vrai dire, si le film nous est présenté comme un conte, ce n'est pas tout à fait le cas. Nous sommes plutôt face à une illustration. Le terme peut paraître péjoratif. Mais une illustration a de bons côtés : elle est agréable à regarder, jolie, soignée, et elle excite l'imagination.

Le scénario est une suite de séquences enlevées, gaies, tristes, ou sexy, comme un album de vignettes qui nous renverraient au lien intime que l'on peut avoir avec cette figure (crédiblement incarnée par Eric Elmosnino) et ses chansons. Les films qui prétendent embrasser des vies en leur entier s'écroulent parfois sous leur propre poids, mais l'écueil a ici été évité: le film est dans la légèreté, l'évanescence, jamais dans la lourdeur plombante et le trop-plein qui peuvent gaver ce genre de tentatives.

Mais une illustration, cela possède aussi ses limites, évidemment. Ce n'est que rarement passionnant, c'est superficiel et cela n'apprend rien. On ne saura ainsi pas grand-chose de tout ce qui a fondé l'identité du personnage, le film préférant rester dans le glamour, la musique, et surtout les rencontres, incarnées par la nouvelle génération montante d'actrices françaises. On finit par avoir l'impression d'être face à un défilé de caméos d'inégales factures: si Laetitia Casta est bluffante en Bardot, Sara Forestier en France Gall ou Mylène Jampanoi en Bambou n'ont pas vraiment le temps de faire exister leurs personnages. Pas grand-chose n'existe d'ailleurs dans ce film… Et on en arrive au défaut principal : Gainsbourg vie héroïque ne ressemble pas du tout à celui qu'il décrit. Là où Gainsbourg était border-line, repoussait les limites, choquait, révulsait, fascinait, le film reste sage, dans le rang. C'est un film qui se tient bien, sur un homme qui avait fait de la mauvaise tenue un art de vivre.

Sfar sait pourtant avoir de vrais parti-pris de mise en scène et d'écriture, et sait créer un climat : de nombreuses séquences possèdent une atmosphère originale, onirique, en apesanteur. On lui souhaite à l'avenir d'utiliser ces qualités dans des projets moins consensuels, et d'essayer de sauter un peu plus à pieds joints dans son sujet au lieu de le contempler depuis le plongeoir ...

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