Boudu : sauvé !

Le cinéma s'est toujours attaché au mythe du "bon sauvage", ces êtres si complètement à la masse de nos modes de vie qu'ils en deviennent de fins détracteurs. Boudu est un classique du genre dans le septième art, et la version d'origine (celle de 1932 avec un Michel Simon bourru de drôlerie) se voit remise ici au goût du jour ...

Réussite incontestable, avec tout de même une interrogation sur la portée du message... Évidence, on rit beaucoup dans ce film. Une séance entière comblée de bonheur attablée autour de répliques qui n'ont pas de grande teneur mais une petite saveur suave qui enivre d'un grotesque bon enfant. Boudu, monstre gentil, monstre qui se transformera au fil des images en une allégorie de la liberté. Métaphore et métamorphose, faites votre choix.

Transposée à l'écran, l'histoire de Boudu conserve les valeurs de l'oeuvre originale, trop peut-être, tant le contexte est différent. Nous voilà en plein 21ième siècle en compagnie d'un monstre pas si effarant que ça (on a vu pire dans le réel ou la fiction) et qui surtout ne s'adresse pas vraiment aux torts de notre société. Vous me direz, les histoires de fesses sont toujours d'actualité, certes... Mais on ne les voit plus tout à fait comme il y a plus de 70 ans et seule la plausibilité des personnages sauve l'ensemble. Depardieu tonitrue, Jugnot cinquantainise, Frot névrose, chorale parfaite. Chantant une rengaine un peu passée, celle de la petite bonne, du cocufiage, et tout le toutim. Avec un final qui varie complètement sur le registre des valeurs morales.

Le boudu remasterisé n'en est pas moins conforme aux valeurs de notre époque, avec une réelle cohérence dans les situations : ça pourrait nous arriver. Le trait un peu forcé, mais on ne fait pas de comédie sans exagérer les travers du spectateur. L'histoire, pour en venir aux faits, c'est celle d'un couple dont la vie va changer à l'arrivée d'un clochard rustre et puant au sein de leur cocon. Cocon moisi de mensonges et tromperies, mais tout cela de petit bourgeois avec le sens inné de l'image à conserver. Dans ce beau décor où Aix-en-Provence est superbement mise en valeur, Boudu ramène ses gnôles et par simple innocence fini par remettre en place les vérités qui croupissaient sous les vernis de la galerie d'art du père Jugnot.

Beauté du geste cinématographique, les citations à l'original sont nombreuses et intelligentes, sur des plans ou des dialogues.

Dans les deux versions, l'épilogue nous tourne une conclusion sur la liberté. Liberté des sentiments, pour préciser. L'ancienne nous paraît encore bien immorale pour notre temps. Deux oeuvres à découvrir parallèlement pour se délecter de leurs saveurs burlesques.

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